JO 2024 : le « nettoyage social » des sans-abris avant l’évènement dénoncé par le collectif "Le revers de la médaille"
Publié : 26 mars 2024 à 17h51 par Rubens Constantino
Depuis septembre dernier, de nombreuses associations, 87 en tout, se sont organisées autour du collectif "Le revers de la médaille" pour alerter sur la situation de sans-abris expulsés de leurs camps, avant les JO de Paris, sans solution d’hébergement. Le collectif a tenu une conférence de presse ce lundi 25 mars.
Paris sans camps de sans-abris durant les JO ? Cela semble être le pari pris par les autorités.
C’est en tous cas l’impression qu’ont les associations réunies sous l’étendard du collectif "Le
revers de la médaille". Il regroupe 87 associations du domaine de la solidarité « qui travaillent sur les populations les plus précaires ; sans-abris, personnes migrantes, travailleuses du sexe, usagers de drogue et bénéficiaires de l’aide alimentaires » nous explique Antoine de Clerck, coordinateur du collectif "Le revers de la médaille".
L’initiative est lancée sur la base d’un constat alarmant, toujours selon Antoine de Clerck « durant tout le printemps dernier, on a remarqué des opérations qu’on appelle maintenant de "nettoyage social". C’est-à-dire d’évacuation, d’expulsion de personnes en bidonvilles, en squats [...] en particulier à proximité des sites olympiques ».
Antoine de Clerck nous rappelle que le combat est également motivé par « l’absence de réponses des pouvoirs publics aux interrogations que tout cela soulevait. On a donc souhaité se rejoindre et lancer des interpellations auprès des pouvoirs publics et proposer des solutions alternatives à ce "nettoyage social" pour qu’on prenne en charge les personnes au lieu de les repousser un peu plus loin ».
Un peu plus loin, c’est par exemple le cas à Orléans, où le maire M. Grouard a dénoncé lors d’une conférence de presse, la venue de 500 migrants sans domicile fixe en provenance de la capitale. Un déplacement qu’il avait lié, comme les associations du collectif "Le revers de la médaille", à la tenue de l’évènement dans quelques mois.
Mais cette fois, la préfecture du Loiret s’en défend dans un communiqué partagé ce mardi 26 mars par l’AFP « En vue de répondre à l’ampleur des besoins d’hébergement d’urgence en Ile-de-France, dix sas d’accueil temporaire régionaux ont été mis en place par l’Etat à l’échelle nationale pour y orienter une partie des personnes prises en charge dans le cadre d’opérations de mise à l’abri conduites chaque semaine dans cette région" indique la préfecture, ajoutant que ce dispositif « est sans lien avec l’organisation des Jeux Olympiques comme cela a été déjà expliqué en mai 2023 ».
Un cas concret : le squat de Vitry-sur-Seine
À la fin de la trêve hivernale, 450 personnes seront expulsées du squat de Vitry-sur-Seine « sans aucune réelle proposition de relogement ».
Il est le plus peuplé d’Île-de-France, notamment depuis l’expulsion de nombreuses personnes du squat "Unibéton" de L’Île-Saint-Denis en 2023, la plupart des évacués se sont réfugiés dans celui de Vitry-sur-Seine.
Pourtant, Jhila Prentis, coordinatrice du travail social bénévole pour l’accès au droit assure qu’à Vitry-sur-Seine « plus de 80% de ces gens sont en situation régulière sur le territoire. On a recensé 200 réfugiés statutaires, ce sont des gens qui travaillent en Île-de-France ».
Côté solutions, Jhila Prentis dénonce un décalage fort entre les opportunités de relogement et la situation actuelle des personnes qui seront évacuées « les propositions actuelles de mise à l’abri c’est d’envoyer les gens en province dans des centres de tri où ils font un diagnostic social avant de leur proposer un hébergement.
En réalité, une fois qu’ils sont sortis d’Île-de-France, ils perdent leur travail. C’est donc un grand problème et c’est ça qu’on craint ».
Risque de confinement social
Elisa Koubi, coordinatrice du STRASS (Syndicat du travail sexuel) alerte sur le phénomène d’intensification des contrôles et interpellations des travailleuses du sexe « dans des secteurs connus comme le Bois de Boulogne ou le Bois de Vincennes ». La militante s’inquiète donc, depuis plusieurs mois, des nombreuses descentes de police qui poussent ces personnes à fuir : « Nos bénéficiaires disparaissent et donc sont souvent exposés à la violence ».
Même constat au niveau des usagers de drogue. Catherine Delorme, vice-présidente de la "Fédération Addiction" dénonce la politique « d’occultation des scènes ouvertes de consommation de crack ». Selon elle, « les JO viennent renforcer la volonté de disperser les usagers de crack » ce qui pourrait forcer tout ce petit monde à se cacher, sans possibilité de bénéficier de l’aide des différentes associations, de quoi découle un aggravement de leur situation.
Et l'après JO ?
C’est une autre crainte qui s’empare de certaines associations que nous avons pu rencontrer ce lundi 25 mars. L’exposition médiatique autour des JO, permettant de focaliser les regards du monde entier sur l’évènement et par conséquent, sur les actions menées par le collectif pourrait peu à peu s’estomper d’ici à octobre. Paul Alauzy, coordinateur et bénévole pour Médecins du Monde s’en inquiète « Il y’a une crainte qu’en septembre-octobre plus personne ne regarde ce qui se passe à Paris, que les grandes agences et médias internationaux ne s’y intéressent plus et qu’on se retrouve à lutter de toutes nos forces mais avec peu d’écho ».
Dans ce contexte de forte tension marqué par les préparatifs des JO 2024 à Paris, le collectif "Le revers de la médaille" tire donc la sonnette d’alarme à 4 mois de l’évènement. Ils estiment que ce n’est pas trop tard si des engagements sont pris et respectés.
Les opérations de « nettoyage social », les expulsions de camps et de squats sans solutions de relogement adaptées soulèvent des préoccupations certaines quant au respect des droits des personnes les plus vulnérables. Le collectif souligne ainsi l’importance, d’autant plus que l’exposition médiatique est éphémère, de maintenir l’attention sur ces enjeux sociaux cruciaux au-delà de la période des Jeux. Des Jeux qui, selon la promesse faite par le comité d’organisation, se veulent « inclusifs ».