Le contrôle technique : bientôt obligatoire pour les deux roues

Publié : 6 juillet 2023 à 6h00 par Hugo Harnois

Le contrôle technique sera obligatoire pour les motos et scooters.

Crédit : Pixnio / Image d'illustration.

Dès 2024, les conducteurs de motos et autres scooters auront l’obligation de passer un contrôle technique. Mesure nécessaire ou projet inutile ? On a interrogé le directeur de l’association Respire et l’un des coordinateurs de la Fédération Française des Motards en Colère pour confronter leurs avis.

C’est un serpent de mer, un sujet qui revient très souvent dans notre actualité : le contrôle technique des deux roues, qui va devenir obligatoire d’ici le début de l’année prochaine pour tous les véhicules, qu’ils s’agissent des modèles de moins de 125 cm3, des quads, mais aussi des voitures sans permis. Le premier contrôle technique devra avoir lieu cinq ans après la mise en circulation du deux roues, puis tous les trois ans, et s’effectuera de manière progressive, jusqu’en 2027.


 


Jamais mieux servi que par soi-même ?


De fait, la France entre en conformité avec une directive européenne, stipulant, à l’origine, que ce contrôle technique devait entrer en vigueur en janvier 2022 pour les engins de plus de 125 cm3. D’abord retardé en 2023 avant que le président de la République ne refuse son application, le Conseil d’État a été saisi par plusieurs associations (dont Respire), afin de forcer l’exécutif à mettre en place le contrôle technique. Conséquence : le gouvernement a jusqu’au mois d’août pour préciser les modalités du nouveau dispositif.


« C’est juste la confirmation de ce qui devait arriver, suite à la décision du Conseil d’État. C’est le cours normal des choses », réagit Tony Renucci, directeur de l’association Respire. Mais pour Franck Clouzet, coordinateur de la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC) dans le Loiret, cela fait plus de dix ans que lui et ses équipes travaillent à « tout un tas de mesures alternatives qui, pour faire simple, satisfaisaient pleinement l’Europe. Mais le Conseil d’État a été saisi par trois associations autoproclamées écologiques, qui sont des marchands de bicyclette, de trotinettes électriques, et qui n’ont rien à voir avec de l’écologie ». Il rappelle, selon lui, « qu’en dix ans, on a un parc motorisé de deux-roues qui a augmenté de 30%. Un chiffre à mettre en parallèle avec une baisse de la mortalité de 19%. Donc il y a des mesures qui ont été mises en place au niveau du permis de conduire qui ont été efficaces ».


Franck Clouzet fait notamment référence aux vérifications des organes de sécurité des engins motorisés. « Toute personne titulaire du permis de conduire a été formé par rapport au contrôle de son véhicule. Et, l’avantage d’une moto, c’est que tout est visible : pneus, plaquettes de freins, transmission, amortisseur... Donc nous, on estime que le contrôle technique n’est pas un argument de sécurité ». En d’autres mots : les contrôles, les motards les font eux-mêmes.


 


Bataille de chiffres


Un argument que désapprouve totalement le directeur de Respire, car « si on a des centres agréés pour faire des contrôles techniques, c’est bien parce qu’on a besoin de professionnels pour les faire. Quand on les fait soi-même, on n’a pas les mêmes qualifications qu’une personne qui a des diplômes, l’expérience et le centre agréé pour réaliser ces contrôles. » Pour appuyer sa thèse, Tony Renucci regarde les pratiques de nos voisins européens, comme en Espagne, où, selon lui, 17% des cas de refus de certification du contrôle technique pour les deux roues sont liés à une altération des pièces ou une modification du moteur. « 22% des deux roues qui sont contrôlés doivent faire l’objet de contrevisites. C’est bien qu’on a besoin de professionnels pour vérifier », ajoute-t-il.


Restons dans la bataille des chiffres avec Franck Clouzet, qui cite la Mutuelle des motards, le premier assureur moto : « les statistiques de la Mutuelle des motards montrent que dans moins de 0,5% des accidents de deux-roues, il y a une corrélation avec un problème technique. Donc même un contrôle qui se voudrait vertueux n’aura un bras de levier que sur moins de 0,5% des accidents de deux-roues ». Un argument que le directeur associatif semble bien connaitre, mais qu’il ne cautionne pas « les seuls chiffres que j’ai vus et qui ont été publiés en France, ils venaient de la Mutuelle des motards, donc c’est très partial. » Tony Renucci évoque plutôt l’étude MAIDS : « ce que le rapport dit, c’est que dans 5% des accidents, un problème technique a contribué à l’accident, donc ce n’est pas 0,3%, c’est 5%. Et ensuite, ces chiffres-là ont été calculés dans des pays qui appliquent le contrôle technique, donc encore heureux que ce soit bas. »


 


Moins de bruit dans nos rues ?


Au-delà de tous ces chiffres, ce nouveau contrôle technique va prendre la forme d’une « mesure de contrainte qui permettra de sortir de la circulation les véhicules qui ne sont pas aux normes, trafiqués et qui, du coup, sont dangereux, polluent plus, tant au niveau sonore qu’au niveau de la qualité de l’air », résume le directeur de Respire. Mais à son tour, en ce qui concerne la thématique environnementale, le coordinateur de la FFMC prend l’exemple d’un pays voisin, l’Allemagne : « une forme de contrôle technique existe depuis 25 ans, et ça n’a jamais modifié quoi que ce soit en termes de bruit. Les personnes démontent leur pot d’échappement, remontent un pot homologué pour le contrôle, rentrent chez eux et remettent leur pot, ça n’a aucune vertu. » 


Avec cette deadline de janvier 2024, le risque que certains centres ne soient pas prêts est avéré. Et ce facteur, Tony Renucci ne le conteste pas : « oui c’est vrai, je pense que c’est un risque, mais la solution que le gouvernement a choisie, c’est d’appliquer progressivement les choses. Ce sont tous les véhicules avant 2017 qui doivent démarrer début 2024, après cela va être étalé, et laisser le temps aux centres d’investir et de se former. » 


Franck Clouzet se montre plus alarmiste et assure avoir des amis travaillant dans ces centres de contrôle technique. Selon lui, plusieurs obstacles se trouvent sur leurs routes : « ils n’ont pas envie d’investir dans du matériel hyper couteux. De plus, il faudra que les contrôleurs soient formés par rapport aux nouveaux items qu’ils auront s’ils font du contrôle technique moto. Il faudra enfin que les contrôleurs qui montent sur la moto soient titulaires du permis de conduire moto ».


Avec l’avis rendu récemment par le Conseil d’État, le directeur associatif ne souhaite pas évoquer le terme de « victoire », il ne veut pas entrer dans ce vocabulaire « parce que nous ne sommes pas dans un match face aux motards. C’est une victoire pour l’écologie et la santé publique. » Le membre de la FFMC s’éloigne de l’environnement pour se rapprocher de l’économie : « on est aujourd’hui face à un problème de lobbying, il y a des grands centres techniques qui ferment, certains directeurs tirent la langue car ils ont de moins en moins de contrôles, car il y a de moins en moins de voitures. Donc leur ramener 4 millions de deux-roues motorisés, ça ramène un peu de chiffres d’affaires, et, pour l’État, beaucoup de TVA ». Le débat est loin d’être clos.